Patriarche de la famille Riagal, il n’est aujourd’hui et depuis la mort de sa femme plus que l’ombre de lui-même, et le temps n’arrange pas les choses. Vieux avant l’âge, il est la faiblesse autant que je suis la force qui régit ses terres, et croyez bien que mes sentiments à son égard n’ont rien d’amicaux. C’est un seigneur, à n’en pas douter, issu d’une longue lignée d’hommes trop semblables, mais ses choix m’ont toujours laisser penser qu’il n’a pas un grand intérêt pour ce qui l’entoure, et qu’il subit plus qu’autre chose.

S’il est un excellent administrateur, organisé et capable de gérer les affaires humaines sur plusieurs fronts à la fois, il n’en est pas moins un pion de plus, trop respectueux pour que ce soit réellement sincère, et trop docile pour éveiller mon intérêt, bien que je préfère souvent traiter avec lui plutôt qu’Eolas. Il est aussi celui qui s’est toujours occupé de gérer les affaires de son frère lorsque celui-ci était loin, me rapportant ce qu’il jugeait nécessaire et protégeant (mal) le reste.

Nuisible et indésirable. C’est certainement ce qui illustre le mieux ce que je ressens pour lui. Faolàn n’est qu’un ennui de plus dans une éternité semée d’embûches. Peut être plus intéressant que d’autres, ceci dit. Je pourrais vous parler des heures de ce garçon, mais ça ne voudrait rien dire, et il en serait trop heureux. Ce qui ne veut pas dire que je ne l’aime pas au fond, tout au fond. Sinon, je ne perdrai pas mon temps à tenter de sauver le sien.

Ma première compagne, ma mère, mon amante, elle est celle qui a fait de moi ce que je suis, et je lui en serais toujours reconnaissant pour ça. Elle est tout, et c’est beaucoup trop pour une telle femme, digne des plus grandes sorcières de légende. Elle est le serpent du péché originel, et bien qu’il m’arrive de m’interroger, sa mort fut probablement une des meilleures idées qu’Aoife et moi ayons eues.

Aoife, c’est la beauté vampirique, figée dans l’éternité. Immuable et glaciale, elle n’en est pas moins un fleuve bouillonnant d’humanité et de sentiments qu’elle a toujours dissimulé avec le talent des plus grands magiciens. Elle n’a jamais été une amante mais une amie, une sœur, et si elle a disparu sans me laisser la moindre piste, je sais pertinemment qu’elle est trop intelligente pour s’être laissée avoir ou mourir.

La Dame Grise est ma dernière compagne, celle pour qui j’aurais brisé toutes les règles. Elle a la douceur d’Aoife et la cruauté d’Aine, et je ne doute pas que sans l’incident qui m’a conduit à quitter le comté, nous aurions sans doute passé la majeure partie de notre éternité ensemble. Si je l’ai longtemps crue morte, il semblerait qu’elle se soit en fait établie à Paris, et que nous ayons aujourd’hui une connaissance commune…

Sur Ardghal, il y a beaucoup à dire, et le temps partagé n’y est pas pour rien. Depuis que nous avons tous deux participé à l’élaboration de l’insurrection de 1916, il m’est toujours resté fidèle, bien qu’il lui arrive souvent de s’éloigner pour trouver un peu de solitude. Il est aussi le seul à me nommer Cu Chulainn non pas par crainte mais par respect et jeu, et c’est l’absence de peur à mon égard qui, je suppose, le rend aussi fiable. Presque un ami.